Fintan Magee est un ancien graffeur australien. Il commence à laisser sa trace dans les rues de Lismore dès treize ans et, maintenant âgé de trente-deux ans, réalise des fresques dans le monde entier. Sa nouvelle exposition parisienne, « Waves », fonctionne comme une invitation, celle d’entrer dans le laboratoire d’un peintre muraliste.
Dans une pièce ronde, enroulée autour d’un patio, où s’engouffre la fraicheur du crépuscule d’automne, Fintan Magee présente des techniques, des supports et des formats divers, fruits de ses recherches en atelier. Sur le mur du fond, une oeuvre attire l’oeil : six petits dessins quasi identiques s’alignent. C’est une série, intitulée « Walking in circles » : tracés en noir et blanc, des personnages tournent à l’infini sur un cercle rouge. L’artiste explique : un jour en voyage à l’étranger pour peindre une fresque, la réalisation de l’oeuvre a finalement été interdite. Coincé pendant cinq jours dans une chambre d’hôtel, il décide, à défaut d’autre chose, d’entreprendre ce travail sur le mouvement, qui n’est pas sans rappeler les expériences photographiques de Muybridge.

Ces pièces mises à part, on sent tout de même une unité dans le travail proposé. Des tons pâles, des regards perdus dans le vague, la légèreté d’un sein nu ou d’une chevelure blonde d’enfant, des tracés qui s’estompent et se troublent… Une douceur mélancolique agréablement contrastée par la rudesse du béton brut et la lumière métallique des néons à nu.
Cette dimension urbaine permet d’ailleurs de renforcer la qualité de l’exposition : on sent la présence du street artist, autant que celle du peintre d’atelier. Sur les peintures elles-mêmes, cela se manifeste par des bavures, rappelant l’utilisation hâtive de l’aérosol. Mais ce qui domine, c’est une impression de gigantisme : la majorité des toiles est relativement grande, une jeune femme semble sortir de son cadre sur «Waiting Game » et la scénographie elle-même fait beaucoup. À l’entrée de la galerie, deux toiles occupent tout l’espace, à gauche et à droite. L’une coule par terre, l’autre, non contente de reposer elle aussi à moitié sur le sol, court jusqu’au plafond.
On regrette seulement que Fintan Magee n’ait pas réalisé de fresque à l’extérieur de la galerie, mais il est allé réaliser un mur impressionnant à Savigny-le-Temple, en banlieue parisienne, dans le cadre du Wall Street Art de Grand Paris Sud.

Si quelques visiteurs se sont dits déçus par l’apparente naïveté des toiles, il fallait en fait regarder au-delà des couples alanguis et des tons rose pastel. Dans les visages peints, Fintan Magee a su saisir l’expression de la désillusion, l’attitude passive de l’humain qui s’est résigné. Les figures de ces toiles sont celles qui ont renoncé à se battre, mais dont l’écoeurement face au déclin du monde persiste à poindre derrière des regards apparemment neutres. C’est une exposition qui nous parle d’évasion, mais avec cynisme. Le spectateur voudrait voir les sujets sortir de l’inaction et échapper à leur tristesse infinie : pourquoi cette femme se laisse-t-elle noyer dans un bocal, pourquoi cet ouvrier se laisse-t-il happer au point de perdre toute consistance ? Mais il devient celui qui ne peut que contempler, en ayant une pleine conscience de son impuissance. Il n’en reste pas moins fascinant de parvenir à insuffler tant de poésie dans un constat aussi pessimiste et alarmant. Car c’est là que réside le talent de Fintan Magee : parvenir à questionner les dérives sociales actuelles à travers la beauté de toiles oniriques.


L’exposition « Waves » est visible jusqu’au 14 octobre 2017, à la Galerie Mathgoth, dans le 13e arrondissement de Paris, 34 rue Hélène Brion.
Site de la galerie : www.mathgoth.com
Site de Fintan Magee : fintanmagee.com
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