Il y a une semaine, j’ai rencontré Benoit Maitre, fondateur du Lavomatik. Situé dans le 13e arrondissement, au coeur d’un quartier qui pullule d’autres galeries dédiées à l’art urbain et d’oeuvres vandales, Le Lavo, plus qu’une simple galerie, est un espace atypique, une librairie et un lieu d’expression dédié au street art, mais aussi à la musique. Dans cette première partie de mon échange avec Ben, il raconte la naissance et l’évolution du projet.
Quand on tape le nom de la galerie sur Internet, on ne trouve quasiment aucun article récent. Comment ça se fait ?
C’est parce qu’on cultive le secret.
Est-ce que tu peux quand même m’expliquer la naissance du projet ?
En fait le projet il est né parce que depuis 85 je faisais des photos de pochoirs. J’ai toujours kiffé ça. Et puis en 2004, il y a eu l’évènement Stencil Project. C’était une des premières fois où des gens ont organisé vraiment quelque chose et ont rassemblé beaucoup d’artistes, notamment tu sais les Blek (Blek le Rat, NDLR), les Jef Aérosol, et plein d’autres. J’y suis allé et je me suis dit : « putain, c’est quand même super bien » ! Parce qu’en prenant des photos tu vois pas les gens, surtout le dimanche matin. Du coup, j’ai rencontré par mal de monde et je me suis dit « tient, je vais en faire aussi ». Je me suis mis à faire du pochoir à ce moment-là. Je bossais en parallèle dans un travail normal. Et puis quand j’ai quitté ce boulot, je me suis dit : « soit je continue là-dedans, soit les trucs que j’ai dans la tête, mais que j’ai jamais formalisés, je vais les faire et monter mon truc à moi. » Et au final, c’est ce que j’ai fait.
Donc l’idée dès le début c’était de faire une galerie pour exposer les autres artistes ?
C’était pas de faire une galerie justement, c’était de faire un endroit, un lieu où je pouvais mettre tout ce que j’aimais bien. C’est pour ça que t’as des livres, c’est pour ça que t’as des disques, puisqu’en parallèle j’étais aussi dans la musique. Et puis des T-shirts et puis après bien sûr les tableaux.

C’est pour ça que le Lavo est différent des autres galeries qu’on trouve dans le quartier ?
Oui, parce que c’est pas fait avec une analyse de comment ça fonctionne une galerie, de savoir ce que les gens attendent exactement, parce que sinon tu fais une galerie justement, et une galerie, c’est chiant.
Sur la page Facebook du Lavomatik, dans la section « à propos », tu parles de la « sauce punky reggae party ». C’est quoi ?
C’est dans ma culture. Y a toujours eu (et bien avant le pochoir) la musique et le punk. Je jouais dans des groupes, je joue toujours. Y a toujours eu ça. Les disques qu’on vend c’est des petits labels et c’est plutôt du punk. Et tout ce qu’on écoute ici, la journée, et pendant les vernissages, c’est du reggae, du ska et du punk.
Comment se passent les relations avec les artistes que tu exposes ?
Elles sont plutôt bonnes. Y a une spécificité aussi dans l’idée de l’endroit, c’est-à-dire qu’on va pas faire expos solo sur expos solo. Le constat c’est que c’est assez difficile pour un artiste pas connu d’exposer. Donc on a fait l’expo collective Murs Ouverts, où y a pas de filtres. Le seul filtre, c’est qu’il faut que l’artiste soit dans cet environnement d’art urbain ou de street art, avec toutes ses composantes. Quelqu’un qui n’a jamais exposé de sa vie, mais qui se sent prêt pour amener une toile, même s’il est absolument inconnu, on va l’exposer. Du coup, ça crée une belle émulation, ça crée aussi un bouche-à-oreille. Et on a la chance d’avoir des murs extérieurs, où les artistes peuvent aussi peindre.
Ils te demandent l’autorisation avant de s’exprimer sur ces murs ?
Souvent. Pas tout le temps, mais très souvent.
Quel genre de public vient visiter le Lavo ?
C’est super varié. T’as des habitués, des gens qui kiffent l’endroit, qui s’y sentent bien, qui savent qu’en plus ils vont y trouver les choses qu’ils aiment, mais qui savent aussi que c’est pas prise de tête. Quelqu’un qui rentre va pas être toisé par quelqu’un d’autre qui se dit : « est-ce qu’il va dépenser pour acheter des tableaux ? » On s’en fou, le fait simplement que les gens viennent, c’est cool. Donc t’as la clientèle d’habitués, t’as un peu de gens de passage, t’as beaucoup de gens qui viennent maintenant spécialement, y compris de l’étranger, puisqu’on a pris notre place dans le milieu. T’as aussi des collectionneurs comme tu peux en trouver dans les salons. T’as des gens qui ont pas d’argent, d’autres qui ont plein d’argent, des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des artistes et d’autres qui n’en sont pas. C’est super varié et c’est ça qui est intéressant aussi.
C’était déjà comme ça en 2014 ou est-ce qu’il y a eu des évolutions ?
En fait l’évolution c’est qu’il y a beaucoup plus de bouquins, de t-shirts et de tableaux. Quand je vois les photos du début, t’as l’impression que c’était complètement vide. En vrai, c’était pas si vide que ça, mais ça donne cette sensation. Tu te dis : « comment ça a pu marcher ? » parce que, finalement, y avait pas grand-chose à vendre. En fait, ça a pris tout de suite parce que les Murs Ouverts, donc l’expo collective, a permis une grosse émulation auprès des artistes, et quand y a des artistes présents sur un lieu y a aussi un public qui vient les voir.
Rendez-vous la semaine prochaine pour parler des artistes exposés au Lavo, des rapports avec les autres galeries du quartier et de l’importance du rock’n’roll.
Le Lavomatik est ouvert du mardi au samedi, de 13h à 19h. Adresse : 20 boulevard du Général Jean Simon, 75013.
Le Facebook du Lavomatik : www.facebook.com/Le-Lavomatik-arts-urbains