
Depuis le 3 février dernier, Enric Sant, jeune artiste barcelonais, expose dans la galerie Adda & Taxi, dans le 8e arrondissement. Il signe ainsi son premier solo show parisien, et il le fait avec brio. On avait découvert cet artiste prometteur dans la même galerie, à l’occasion de l’exposition collective « O », consacrée à l’art érotique. Il est vrai qu’Eric Sant fait une large place aux corps nus dans son travail. Mais il va bien au-delà. Ce qui nous fascine, lorsque l’on contemple ses toiles, c’est un sentiment d’absorption. En effet, le motif de la spirale est récurrent dans ses toiles et ses dimensions permettent de créer de véritables vortex humains, qui semblent se mouvoir à même les tableaux. Les corps, mous, étirés et difformes, en lévitation ou affalés sur le sol, happent le regard tout en questionnant nos perceptions. Notre vision de la beauté, notamment, est remise en cause. Aucun de ces êtres bizarres ne rentre dans les canons actuels, et, pourtant, ils sont indéniablement attractifs, autant que morbides.
Enric Sant développe son travail sur différents supports et explore différentes palettes de couleurs. C’est aussi cela qui fait la richesse de l’exposition. Avec « Estratos 02, estratos » et « La gran siesta », l’intensité des couleurs vives surprend. De l’autre côté de la pièce, des sculptures monstrueuses se jouent de la pesanteur. Un arc-en-ciel de petits bustes étire ses ombres sur les murs du sous-sol. À l’entrée, des croquis retracent la genèse des œuvres présentées. Des petits dessins mettent en scène des personnages lubriques. Enfin, une grande fresque, réalisée à même le mur de la galerie, nous surprend par son rose et son vert acidulés.
Malgré une première impression profondément dérangeante, une sensation de laideur face à ces chairs corrompues, on ressort de l’exposition avec une étrange sensation d’optimisme. Récemment interviewé par le très bon magazine Stuart, Enric Sant expliquait : « Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ma peinture ne fait pas référence à la monstruosité, mais à l’humanité. (…) Il ne s’agit pas de tomber dans la négativité, car observer ses mauvais comportements peut nous rendre meilleurs » (n°8, page 80). « Âpre Zone », c’est finalement l’invitation à une nouvelle forme de beauté, à une jouissance décomplexée. C’est aussi une invitation à embrasser notre nature d’être humain dans son ensemble, sans rien en rejeter, car tout est à prendre, du plus spirituel au plus vil, quitte à le transcender ensuite.
L’exposition « Âpre Zone » est visible à la galerie Adda & Taxie du 3 février au 17 mars 2018.
Le site d’Adda & Taxie : www.addataxie.com
Le site d’Enric Sant : www.enricsant.com