Dans le 13e arrondissement, les galeries d’art urbain foisonnent. En ce moment, le Lavomatik et la galerie Itinerrance se distinguent avec deux expositions dédiées à l’univers de la pop culture : FORNEVER de D*Face pour Itinerrance, et un solo show de Noty Aroz au Lavo. Visibles pour quelques jours encore, ces expositions se font écho par leurs nombreuses références à l’univers des comics : D*Face s’inspire de leur esthétique et Noty Aroz y puisent des idées pour développer leur Mythologeny. Compte rendu de la visite de ces deux expositions, riches en détails intrigants.
FORNEVER – D*Face, galerie Itinerrance :

D*Face, de son vrai nom Dean Stockton, est un artiste aux multiples talents : illustrateur, sculpteur, muraliste, il commence à travailler dans la rue très jeune. Inspiré par le courant du pop art, il puise aussi beaucoup d’idées dans divers comics : ceux de Matt Baker par exemple, ou encore de John Romita, auteur de plusieurs bandes dessinées iconiques (The Amazing Spider-Man, Captain America, Incredible Hulk…). Effectivement, les références à ces univers transpirent dans le travail présenté par D*Face : les courbes douces, l’expressivité des visages, les couleurs vives et les contours épais, tout cela donne aux murs de la galerie l’aspect de planches de BD. On atteint une telle minutie que l’une des oeuvres, sorte d’hybridation entre collage, peinture et sculpture, projette sur le mur une ombre en forme de bulle de bande dessinée.

L’organisation générale de l’exposition est savamment pensée. La galerie propose une scénographie toute en symétrie : à gauche, des couleurs chaudes et des couples qui s’enlacent tristement ; à droite, des tableaux où le bleu domine largement et où des portraits montrent des figures solitaires.
D’un côté comme de l’autre, on est saisi par la triste mélancolie qui transpire sur chaque figure. Outre les larmes qui coulent sur les visages crispés, certains des personnages présentent un physique cadavérique. D*Face a vraisemblablement voulu explorer, dans ce solo show, en plus du monde des comics, celui des vanités. On remarque notamment des petits crânes cachés dans les recoins de certaines oeuvres.
Enfin, « Fornever » sonne comme un appel à la révolution et à la destruction, comme le montre la fresque réalisée à l’extérieur de la galerie : une bouteille de Coca-Cola transformée en cocktail Molotov prêt à exploser. La violence, cette fois une violence subie, s’exprime aussi sur les scies disposées deux par deux au centre de la galerie. Sur chacune d’elles sont peints des regards d’une grande éloquence, exprimant tantôt la colère, la résignation, la peur ou l’angoisse. Il semble que l’artiste nous invite à nous imprégner des codes de la culture populaire occidentale tout en les questionnant, et même en en rejetant brutalement certains : oui à l’art pour tous et sous toutes ses formes, non à l’abrutissement et à l’oppression des masses.
Mythologeny, saison 3 épisode 2 : Ginteil – Noty Aroz, le Lavomatik :
« Contraction des mots Mythologie et Génération Y. Ensemble de divinités issues de croyances syncrétiques contemporaines. » Voilà comment Noty et Aroz définissent la Mythologeny. Ce concept vise à inventer les religions futures, face à ce qu’ils analysent comme une crise spirituelle, à l’heure où la science est capable d’expliquer le monde de façon plus convaincante que l’Église. Depuis 2014, le duo répand sa proposition spirituelle dans la rue en collant un peu partout des portraits masqués des divinités de demain. Leurs créations s’organisent en saisons et épisodes et s’inspirent de personnages Marvel, DC, et autres figures de la culture populaire, couplés à des figures mythiques traditionnelles.
En ce moment, leur nouveau personnage, Ginteil, est présenté au Lavomatik, par le biais d’une exposition interactive. On s’y fait tatouer, on y résout des énigmes, on pose un casque sur sa tête pour écouter les artistes nous parler au creux de l’oreille et l’on tire des ficelles pour activer une lumière noire qui révèle les mystères cachés dans les différents portraits de Ginteil. Ginteil est une déesse issue de la fusion entre une héroïne X-Men, Mystique, et une figure de la culture celte écossaise. Les cheveux ornés de plumes de corbeaux, des triskèles peintes sur les joues, Ginteil est un symbole de métissage et d’ouverture d’esprit.
L’exposition est aussi l’occasion de retrouver certaines anciennes figures de la Mythologeny, comme Fleuz, et de découvrir le travail d’autres artistes. Cinq street-artistes se sont associées au projet et ont proposé leur propre vision de Ginteil : Zelda Bomba lui a donné un visage rouge caractéristique de son travail et lui a ajouté des chaînes ADN dans les cheveux, symbole du combat de Mystique ; Adey lui a donné un look tribal ; Nadège Dauvergne en a fait une entité aux visages multiples ; Inti Ansa a préféré une figure douce entourée d’animaux divers ; enfin, Vanessa Milito Rodriguez a choisi de présenter Ginteil comme une créature reptilienne très proche de l’héroïne X-men. Noty Aroz s’entourent régulièrement d’autres artistes pour enrichir leurs personnages. Cette saison 3 de la Mythologeny étant dédiée aux femmes, ce sont donc uniquement des artistes féminines qui se sont jointes à eux pour cette exposition.
FORNEVER, D*Face : du 19 avril au 19 mai, galerie Itinerrance, 24 Boulevard du Général d’Armée Jean Simon, 75013 Paris
GINTEIL, Noty Aroz : du 27 avril au 12 mai, le Lavo//matik Arts Urbains, 20 Boulevard du Général d’Armée Jean Simon, 75013 Paris
Le site de Noty Aroz : www.noty-aroz.com
Le Facebook du Lavomatik : www.facebook.com/Le-Lavomatik-arts-urbains
Le site de D*Face : www.dface.co
Le site de la galerie Itinerrance : itinerrance.fr
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