Si Instagram pratique une censure de plus en plus décomplexée parmi les comptes un tant soit peu subversifs, et si le réseau commence à nous fatiguer avec sa chasse aux tétons de femmes, il reste néanmoins un bon outil de partage pour les artistes de tous bords. Voici cinq nouvelles pépites à ajouter sans plus attendre à ses abonnements : des photographies puissantes, des chasseurs d’art urbain, un graffeur novateur et un peintre ténébreux. C’est le menu de cette nouvelle Instagram Review.
1 – Odo Le Hmar
(Toutes les photos sont des captures d’écran du compte odo.jpg)
Odo est un jeune et talentueux photographe de 23 ans. Il évolue avec aisance entre musiques populaires, cultures urbaines et voyages au bout du monde. Ses récents clichés ramenés de Madagascar sont absolument magnifiques ; une belle fenêtre ouverte sur un pays méconnu, loin des clichés. Aller contre l’ordre établi semble d’ailleurs être un des credo de l’artiste. Il joue sur les stéréotypes de genre avec ses portraits toute en douceur de Ilamci et Bilal Hassani. Il photographie le groupe Bagarre lors de la promo de leur clip sur le plaisir féminin. Il donne un visage unique aux jeunes de tous horizons et toutes origines. Il s’illustre également par un vrai savoir-faire en ce qui concerne le montage. Rien d’impressionnant, juste deux images qui se superposent ici, une jambe distendue là… Mais chaque choix artistique est juste, puissant et poétique. L’univers d’Odo est aussi riche que labyrinthique, une invitation à se raconter ses propres histoires en scrollant à l’infini.
Lien vers le compte : @odo.jpg
2 – Tommy Boureaux
(Toutes les photos sont des captures d’écran du compte tommyboureaux)
Voici un peintre français qui porte bien son nom. Son travail récent se compose essentiellement de peinture au fond rouge foncé, comme le sang qui s’incruste sur les planches de l’échafaud. Alors que le réseau est saturé de publications acidulées, joyeuses et sexy, Tommy prend le contre-pied de cette injonction à être « instagramable ». Mais il serait pourtant malvenu de parler d’une bouffée d’air frai. Ses créatures flasques et longilignes, aux visages inquiétants, semblent à peine vivantes. Abattues et déformées, à les regarder trop longtemps on les entendrait presque geindre de douleur. Ce qui ne les empêche pas d’être belles à leur façon : les couleurs, même sombres, sont vibrantes et les expressions des visages qu’on discerne sont saisissantes de vérité.
Lien vers le compte : @tommyboureaux
3 – Zer Der Falsche
(Toutes les photos sont des captures d’écran du compte zer_der_falsche)
Zer Der Falsche est un graffeur dont le travail sort des sentiers battus. Lorsque l’on remonte l’historique de ses posts, on constate qu’il a pourtant commencé par du lettrage relativement classique ; ce dont on est loin de se douter lorsque l’on débarque sur son compte. L’évolution du travail de Zer Der Falsche l’a conduit vers l’abstraction et la peinture de forme géométriques épurées. Au fil du temps, les lettres prennent de moins en moins de place, jusqu’à disparaître totalement. Naissent alors des compositions aux tons pastels. Même si l’on sent que l’école graffiti se cache quelque part là-dessous, on pourrait croire qu’un artiste contemporain fraîchement sorti des Beaux Arts vient de décider d’aller créer dans la rue. Les pièces de Zer Der Falsche sont d’une simplicité étudiée et rappellent parfois l’esthétique du collage. Ses formes semblent de prime abord sans lien les une avec les autres, et, paradoxalement, elles s’imbriquent avec une harmonie émouvante. Impossible d’en détacher les yeux.
Lien vers le compte : @zer_der_falsche
4 – François Grunberg
(Toutes les photos sont des captures d’écran du compte francois_grunberg)
Les œuvres d’art urbain sont souvent difficiles à photographier. Un rayon de soleil mal placé, une rue trop étroite, un collage trop haut, une moto mal garée, une fresque trop imposante… La liste est longue. Le résultat : les comptes de street hunter (chasseurs de street art) sur Instagram sont souvent bourrés de photos plus ou moins ratées, qui peinent à mettre l’œuvre en valeur. Ce n’est pas le cas avec le travail de François Grunberg. Cadrages simples mais efficaces, luminosité et saturation bien dosées, noir et blanc justifié : ses photos rendent honneur au travail des artistes. Avec sa jolie collection de près de 900 clichés, il propose une agréable promenade virtuelle dans le musée à ciel ouvert que forment les rues parisiennes.
Lien vers le compte : @francois_grunberg
5 – Bleutrouble
(Toutes les photos sont des captures d’écran du compte bleutrouble)
Bien souvent, les street artistes prêtent une attention particulière à l’endroit où ils posent leurs œuvres, intégrant au mieux le mobilier urbain dans leur travail. Le photographe Bleutrouble, lui, cherche à donner le plus de sens possible aux œuvres qu’il croise, en les mettant en situation. Parfois, c’est l’ajout d’un objet qui donne une nouvelle dimension : une boule de verre qui renverse les perspectives ou un pot d’où un tentacule de KN s’échappe comme une fleur. Ce sont surtout les passants, poseurs ou pris sur le vif, qui donnent un cachet particulier aux photos de Bleutrouble. Un homme jour à cache-cache avec un Gouzou de Jace ; un vieil homme croise en souriant le visage d’un autre vieil homme souriant, sans qu’on sache s’il le regarde vraiment ; une femme, indifférente et affairée, passe devant un portrait aussi grand qu’elle. Autant de clichés qui racontent la ville vivante, artistique et populaire.
Lien vers le compte : @bleutrouble
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